5 générations

C’est avant la Grande Guerre en 1906 que l’exploitation Favrin est née. Au gré des temps, ce ne sont ni les conflits du globe ni les troubles climatiques qui auront réussi à avoir raison de leur domaine. Inextirpable de leur terre la famille perdure forte d’une curiosité comme infinie, d’un goût passionnel pour le lègue végétal du sol. “On est né dedans, et on mourra dedans.” Résume Pierre Favrin, toujours en activité. Il poursuit : “Mon père à travaillé jusqu’à 85 ans en ayant - comme il disait toujours - les mains sales. Je pense que l’on ne peut pas s’en passer quand on est né dedans. On a en nous cette passion, cette animation qui s’ancre toujours plus saisons après saisons.”

Aujourd’hui c’est Carine et Sébastien Favrin - frère et sœur - qui tiennent les rênes de l’exploitation, et c’est par la connaissance, l’expérience ancestrale qu’ils continuent de faire émerger de la terre les herbes, les légumes et les fleurs d'exceptionnelles cultures. À Aix-les-Bains, sous l’influence lacustre du Bourget la parcelle centenaire de la famille est riche d’une terre légère d’où le peuple vert abonde au fil des saisons.
En culture raisonnée, les Favrin ont toujours pris le soin habile de préserver l’ancien comme le nouveau.

Des saveurs atypiques

D’un côté une stabilité par la culture de légumes dits classiques, de l’autre une place pour les légumes plus atypiques, singuliers. Et c’est en cela que l’exploitation semble être immortelle, le respect des traditions mêlé à celui de la découverte, du renouveau, de l’en avant. Et Pierre a son avis là-dessus : “la curiosité n’est pas un vilain défaut quoi que l’on en pense, au contraire, il faut toujours chercher à étoffer notre palette du goût. Sans cela on s’affadît. Une chance que nous soyons une famille de voyageurs, toujours en recherche, les yeux et oreilles attentives. Chacun apporte son expérience, sa pierre à l’édifice. Tous ensemble, l’on peut alors œuvrer à une fantastique diversité de fruits et de légumes. Lorsque l’on aime bien manger on est toujours à l'affût de goûts nouveaux”.

Une soif de curiosité qui a toujours poussé la famille Favrin à rapporter - par-delà les Savoies - des merveilles inédites telles les Bredy Mafana ou Brède Mafane, des fleurs jaunes originaires des îles de l’océan indien au goût électrique, de celles qui pétillent en bouche. Les radis Red Meat originaires de Chine à la saveur douce, moins piquante que les radis classiques. En plus de faire jaillir sur leur terre le floral d’outres pays, les Favrin profondément enracinés cultivent depuis toujours les herbes et plantes des Alpes, sans oublier ces légumes de ce même verbe : Panais, Cardons, Topinambours…

Le marché d'Aix-Les-Bains

Lorsque vous descendez pour trouver le bleu du Bourget, remontez les rives pour faire votre marché. Entre deux achats de légumes, il ne sera pas rare d’entendre quelques conseils astucieusement prodigués. Ou comment allier une plante avec la bonne viande, le bon poisson. Soucieux depuis toujours de la transmission, celle-ci n’est jamais unilatérale, elle nourrit continuellement la quête du partage.

Un échange infini entre la terre et l’humain où l'émerveillement ne descend jamais d’intensité, parole de maraîcher : “forcément comme dans tous les métiers il y a des contraintes et parfois il est des jours où l’on se sent fatigué. Mais notre amour pour la terre et ce que l’on cultive balaye d’un revers le moindre ressentiment. Par exemple, la simple observation patiente et progressive d’une parcelle de tomates multicolores nous remplit de satisfaction, d’émotion.”

Esprit fertile, postérité

Cette culture du partage que chérissent les Favrin parle à Jean Sulpice. L’échange, le lien sont des valeurs primordiales pour chaque être aspirant à vouloir comprendre la terre; et de là, en faire naître merveilles gustatives.

“J’ai le privilège de travailler avec la famille Favrin depuis mes débuts de jeune cuisinier. De mon apprentissage chez Pierre Marin jusqu’à l’Auberge du Père Bise à Talloires, sans oublier mon restaurant à Val Thorens. Toutes les semaines, depuis deux décennies, je vais chercher mes légumes chez eux. Et toujours, l'émerveillement demeure. Quand arrive la bonne période, ils ont une palette de tomates, de toutes les couleurs, de toutes variations. Leurs haricots crochets sont uniques et délicieux, et que dire de leurs savoureuses salades desquelles nous pouvons concocter de singuliers mescluns ! Et comme ils sont curieux et voyageurs, ils nous font - par exemple - découvrir des plantes étonnantes.”

“Je prends soin d’être à l’écoute, car ils sont les premiers ambassadeurs d’une terre nourricière et ils ne sont jamais avares de conseils - de bonnes idées. C’est un honneur qu’ils puissent nous laisser profiter de leur savoir-faire. C’est comme cela que j’ai pu m'intéresser à une plante qui, de prime abord, ne m’avait jamais laissé un souvenir remarquable. Celle-ci est le Cardon, un légume ancien - fibreux. Au gré d’échanges réguliers, de discussions, une idée a germée. Aujourd’hui, à ma table, ce légume est un incontournable, un emblématique de l'itinéraire gastronomique que nous proposons à nos convives.”

Ce que j’aime dans nos métiers, tant producteurs que cuisiniers, c’est que l’on côtoie de près le monde des vivants quel qu’il soit. Faune et flore, produit et producteur; cultiver et manger nous rassemble. De la Terre à l’assiette, passage éclair par nos papilles, nous œuvrons au bien manger - au bon manger. Ces liens, pour rien au monde je ne voudrais qu’ils se rompent.

Rédaction : Norman Giry | Photographie : Franck Juery
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